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27 November 2023

Réglementation des aéroports français - où en sommes-nous un an plus tard?

Dans une interview publiée sur ce blog il y a un an, notre Area Manager pour la France, Robert Chad, expliquait les espoirs du secteur aérien pour une régulation indépendante plus forte des aéroports français afin d'améliorer leurs performances et d'optimiser les ressources pour les compagnies aériennes, les passagers et le fret aérien. L'Autorité de Régulation des Transports (ART) a maintenant publié ses conclusions, et dans cet entretien avec Adam Rudny, Assistant Director Airport and ANSP charges à l'IATA, nous explorons ce que ces recommandations pourraient signifier pour l'industrie.

 

  • Adam, pouvez-vous nous rappeler le contexte de ces développements en France ?

L'ART est une autorité administrative indépendante qui, depuis octobre 2019, est compétente pour la régulation des redevances aéroportuaires. Elle dispose d'une grande expérience dans la régulation d'autres secteurs du transport, et d'une solide compréhension de la manière de réguler au niveau stratégique et dans les aspects techniques.

Pour les aéroports, son rôle consiste principalement à approuver les redevances aéroportuaires conformément aux principes de la régulation économique. En tant que tel, elle devrait viser à protéger les usagers et les consommateurs contre les prix potentiellement abusifs pratiqués par les aéroports avec un fort pouvoir de marché. Cependant, les compagnies aériennes et l’ART s'inquiètent du fait que le système ne fonctionne pas comme il le devrait. Par exemple, au cours des dernières années, presque tous les aéroports réglementés ont utilisé un vide juridique pour éviter de saisir le régulateur pour l’homologation de leurs tarifs afin qu’il ne réduise leurs redevances. Dans un récent rapport sur l'aéroport de Bordeaux, la Cour des comptes a déclaré que "tandis que les ressources financières s'accumulaient", il y avait "un nombre croissant de signes inquiétants concernant la performance de ses installations aéroportuaires : la qualité du service diminuait, et les exigences en matière de sécurité et de sûreté étaient mal respectées".

La Cour des comptes, les compagnies aériennes et l'ART ne sont pas les seuls à s'inquiéter. Les autorités aéroportuaires se sont également plaintes du fait que le cadre actuel ne leur offre pas une visibilité suffisante pour planifier, ni un environnement propice à la conclusion d'accords avec les compagnies aériennes.

En conséquence, l'ART a formulé un certain nombre de recommandations spécifiques sur la manière de corriger le système dans l'intérêt de tous.

 

  • Quelles sont donc leurs recommandations ?

L'ART a formulé quatre recommandations clés. Tout d'abord, l'Autorité souhaite encourager la fixation des redevances pour plusieurs années. Il s'agit là d'un premier pas important pour s'éloigner de l'actuelle réglementation "Cost Plus" qui est préjudiciable aux compagnies aériennes et aux passagers. Le système actuel permet à l'opérateur de récupérer ses coûts et une marge de rendement sur son capital, sans aucune incitation à l'efficacité.

Deuxièmement, l'ART recommande qu'au moins 50 % des bénéfices supplémentaires réalisés dans les commerces, restaurants et autres activités non aéronautiques soient utilisés pour financer les opérations de l'aéroport. Cela signifie que les investisseurs obtiennent toujours un rendement équitable, mais que l'investissement de l'aéroport dans l'infrastructure ne provient pas uniquement des redevances d'usage.

Troisièmement, l'Autorité veut renforcer la consultation et la transparence entre les usagers et les aéroports. Elle propose de modifier la composition, la fréquence et la qualité des réunions entre les aéroports et leurs clients. Elle souhaite également examiner les coûts des projets d'investissement dans les aéroports, ce qui n'est pas fait de manière indépendante aujourd'hui. Le cadre actuel empêche les compagnies aériennes d'obtenir des informations suffisantes sur les performances financières des aéroports, ce qui signifie qu'il y a peu ou pas de marge de négociation. Il n'est pas possible de discuter de la qualité et de la tarification avec un aéroport sans disposer de suffisamment d'informations et de compagnies aériennes autour de la table.

Quatrièmement, lorsque cela est possible, l'Autorité veut être en mesure de réduire la charge réglementaire pesant sur les aéroports. S'il ne fait aucun doute que les grands acteurs comme Aéroports de Paris (ADP) resteront strictement réglementés, il pourrait être nécessaire de réglementer différemment les aéroports moins importants. Par exemple, l'ART propose de n'intervenir qu'en cas de désaccord entre l'aéroport et les compagnies aériennes, contrairement au régime actuel où elle doit examiner chaque proposition.

 

  • Quel est le point de vue des compagnies aériennes sur ces recommandations ?

Nous sommes en faveur de la fixation des redevances pour plusieurs années. C'est notre position de longue date. Les accords à long terme réduisent la charge de travail, encouragent l'efficacité et permettent à chacun de planifier. Le cadre réglementaire joue également un rôle clé dans le financement des investissements et doit être stable et prévisible. L'adoption d'accords pluriannuels contribuerait également à réduire le recours à la faille susmentionnée de la loi, qui permet aux aéroports d'augmenter les redevances lorsque les coûts augmentent, mais d'éviter de les diminuer pendant un an s'ils diminuent.

En ce qui concerne l'utilisation des bénéfices des concessions (le régime de la caisse unique dans lequel les boutiques, bars, etc. contribuent) l'ART a raison de parler de " bénéfices supplémentaires ", c'est-à-dire du rendement exceptionnel que ces activités réalisent parce qu'elles se trouvent dans un aéroport. En fait, nous pensons que cette contribution devrait être de 100 %, et non de 50 % comme proposé. Les équipes de IATA Economics ont utilisé les données historiques du modèle actuel (avec une contribution de 0 %) pour estimer les impacts économiques du passage en caisse double de Paris : Plus de 19 000 emplois et environ 1,5 milliard d'euros de PIB ont été perdus en raison des redevances plus élevées. L'application d'une contribution de 50 % à Paris permettrait de limiter les dégâts en réduisant les pressions sur les coûts qui réduit la compétitivité des compagnies aériennes. Un modèle à "50 %" reste une mauvaise nouvelle pour les régions françaises. D'après l'expérience acquise et les estimations de l'impact économique, le passage de la caisse unique actuelle à la double caisse pourrait entraîner une augmentation de 30 % des redevances aéroportuaires dans les aéroports de province encore en caisse unique. Cela signifie un impact de 3 à 5 % sur la demande à Lyon, Nantes, Marseille, Bordeaux et Toulouse. Une caisse hybride est préférable à une caisse double, mais elle a toujours un impact négatif sur l'économie et la demande.

Nous sommes en revanche tout à fait d'accord avec la proposition de l'Autorité de modifier les modalités des négociations entre les compagnies aériennes et les aéroports et d'améliorer la représentativité. Pour la plupart des aéroports, les compagnies aériennes sont sélectionnées selon des critères opaques et nommées par un représentant local de l’Etat et se réunissent pour discuter de ces sujets stratégiques une fois par an pendant quelques heures. Ces réunions donnent lieu à un vote formel sur les propositions de l'aéroport, mais à Paris, par exemple, l'aéroport dispose de huit voix et le nombre de compagnies aériennes est limité à quatre. En cas de désaccord, cette configuration ne permettra pas d'aboutir à une résolution équilibrée.

 

  • Quels seraient les avantages de la mise en œuvre de ces recommandations ?

Chacune des recommandations bénéficie aux passagers. Certaines recommandations ne vont peut-être pas assez loin, mais l'ART a fait un premier pas dans la bonne direction pour assurer une régulation économique adéquate des aéroports.

Mais il ne s'agit pas seulement des passagers. Grâce à ces changements, les exploitants d'aéroports et les investisseurs disposeront d'un cadre de travail clair et d'un juste retour sur investissement. Les compagnies aériennes bénéficieront également du fait d'être consultées sur la manière dont les aéroports sont gérés, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui où les compagnies aériennes sont informées des décisions une fois prises.

Un vol intérieur au départ de Paris coûte aujourd'hui environ 33 euros en redevances et taxes, hors TVA. Une meilleure consultation et des incitations à l'efficacité pour les aéroports permettraient de rendre les infrastructures existantes plus efficaces, tout en offrant une expérience plus fluide aux passagers. La réduction des redevances permet également d'accroître la concurrence entre les compagnies aériennes et de faire en sorte qu'un plus grand nombre de liaisons soient financièrement viables pour les compagnies aériennes, ce qui se traduit par une augmentation du nombre d'emplois et de la croissance économique.

Il y a également des avantages pour les investisseurs. Avec un cadre réglementaire plus clair et plus efficace, les investisseurs seraient plus confiants dans le fait que leurs investissements dans les aéroports français pourraient produire des rendements stables à long terme. Les aéroports sont des actifs à long terme à faible risque. Aujourd'hui, cependant, nous voyons des aéroports qui déclarent des retours sur capital de 10 % ou plus, et certains aéroports qui distribuent la plupart de leurs bénéfices sous forme de dividendes plutôt que de les réinvestir. La France envisage de taxer les infrastructures de transport longue distance qui réalisent un bénéfice net supérieur à 10 %. Les investissements stables et peu risqués ne dégagent pas de telles marges. La mise en œuvre de la réforme permettrait aux aéroports d'obtenir des rendements raisonnables et plus stables, à condition qu'ils soient gérés efficacement.

Enfin, il y a des avantages pour l'économie française. La France reste un acteur important à l'échelle européenne et mondiale, le pays dépendant du fret aérien et du transport de passagers pour de nombreux secteurs de l'économie, y compris le tourisme. La stabilité du secteur aéroportuaire permet à l'économie française de rester connectée au monde.

 

  • Quelles sont les prochaines étapes ? Comment le gouvernement français doit-il agir ?

L'ART a établi une feuille de route claire des mesures réglementaires qui pourraient être mises en œuvre immédiatement. Le gouvernement français peut les mettre en œuvre par un simple décret. Les modifications de la loi prendront plus de temps, mais plus le gouvernement attendra pour mettre la question sur la table, plus la situation actuelle s'aggravera et plus l'économie française en souffrira. C'est pourquoi nous demandons instamment au gouvernement de mettre en œuvre ces recommandations sans délai.

 

 

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